« J’ai 20 années d’expérience, 0 diplôme, 43 ans, j’ai les yeux bleus, les cheveux noirs et la peau de couleur blanche. »
« J’ai 30 années d’expérience, 3 diplômes, les yeux noirs, les cheveux gris et une peau de couleur noire. »
« J’ai 0 expérience, 1 diplôme, 19 ans, j’ai les yeux verts, les cheveux blonds et la couleur de ma peau est blanche. »
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Les entreprises disent avoir un grand besoin de travailleurs et plusieurs milliers de personnes sont prêtes à travailler. Toutefois, les entreprises sont-elles prêtes à considérer tous les profils, y compris les plus atypiques? La discrimination demeure-t-elle un biais inconscient malgré la pénurie de main-d’oeuvre?
La discrimination en emploi porte différents habits. Que ce soit parce que la personne a eu un parcours atypique, un diplôme manquant, qu’elle ait une couleur de peau différente, un genre non défini, un accent, un âge trop avancé ou trop jeune, une situation de handicap ou un passé difficile: sommes-nous réellement toujours ouverts à la diversité? Nos processus et outils technologiques de recrutement mettent-ils involontairement un filtre sur certains profils qui devraient être davantage considérés? Encore plus en contexte de pénurie de main-d'œuvre, les entreprises se doivent de considérer tous les candidats potentiels.
Vous serez peut-être surpris d’apprendre que l’âgisme, par exemple, est plus fréquent qu’on le pense. Il est vécu chaque jour par des milliers de personnes en recherche d’emploi. Cette forme de préjugé est perceptible autant chez les personnes plus âgées que chez les plus jeunes. Par exemple, bon nombre d’entreprises disent ne pas embaucher de « juniors ». C’est une réalité et c’est verbalisé quotidiennement. Plusieurs entreprises avec d’énormes besoins en main-d'œuvre, et laissant d’importants contrats sur la table, disent ouvertement qu'elles ne recrutent que des seniors car « il faut que ça aille vite » et qu’elles doivent facturer un maximum. C’est compréhensible en partie, mais questionnons-nous à savoir si au bout du compte, ça va vraiment « plus vite » et si ces ressources demeurent plus longtemps en emploi? Les ressources seniors recrutées sont « débauchées » chez le voisin, ou chez vous, ou chez nous, là où cela créera un autre problème sans parler de la surenchère des salaires qui affecte bon nombre d’organisations actuellement. C’est tentant, avouons-le, de recruter que des personnes d'expérience mais au bout du compte, est-ce que cela nous sert toujours bien? On se doit aussi de considérer la relève.
Il faut accepter un état de fait: le bassin de main-d'œuvre s’est rétréci et le profil attendu selon les critères que vous vous êtes donnés est beaucoup plus rare. Le mouton à 5 pattes n’existe pas!
Toute entreprise aujourd’hui se doit d’être plus ouverte afin de considérer tous les profils, y compris les plus éloignés du marché du travail. Avoir 52 ans et 30 ans d’expérience, est-ce un défaut? Être assez déterminé pour avoir laissé derrière soi un métier, une famille, un pays et une langue, est-ce un défaut? Avoir manqué de motivation pour terminer son secondaire pour aspirer plus rapidement à apprendre un métier qui nous passionne sur le marché du travail, est-ce un boulet à traîner toute sa vie? Certes, accueillir des personnes avec un profil atypique peut demander du temps et des ressources mais c’est aussi grandissant et c’est également une façon de contribuer dès maintenant à l’évolution de notre société.
Tout comme il faut considérer toutes les méthodes pour combler les postes disponibles, il faut considérer tous les profils intéressés à travailler. Il faut de tous et chacun pour faire un monde et ce monde, nous le construisons dès maintenant.
Marie-Eve Hermkens
Présidente
Boomrank