Depuis le 1er janvier 2019, l’employeur a l'obligation d'adopter et rendre accessible une politique de prévention du harcèlement psychologique et sexuel et de traitement des plaintes, incluant un volet concernant les conduites qui se manifestent par des paroles, des actes ou des gestes à caractère sexuel.
Même si l’on peut saluer cette avancée importante dans la lutte contre la violence en milieu de travail, d’autres initiatives peuvent être prises afin que le respect de chacun fasse partie intégrante de la culture entreprise.
Lutter contre le harcèlement grâce à la pédagogie
Il est illusoire de croire qu'un simple affichage d'une politique anti-harcèlement ou un document remis aux employés suffiront à atteindre l'objectif d’intégrer la non-violence dans la culture organisationnelle : il est essentiel de prendre des mesures concrètes, en mettant notamment l'accent sur la pédagogie. C’est aussi par l’éducation que l’on prévient les ambiances toxiques au travail.
On acquiert ainsi des compétences permettant de mieux décrypter les typologies de violence en milieu de travail, et développer les bons réflexes face à des attitudes ou des comportements négatifs.
Par exemple, quelle est la mécanique d’un harcèlement ? Quel est le profil d'un harceleur ? Y a-t-il un profil type de harcelé ? Comment détecter les comportements à risque ? Comment différencier le harcèlement du droit de gérance de l’employeur ? Quels sont les droits et les obligations de chacun ? Que faire face à un dépôt de plainte ?
De la théorie… à la pratique
Si la Loi sur les normes du travail fournit les critères du harcèlement psychologique et sexuel, il est parfois difficile sur le terrain d’y voir clair.
Il est aussi utile de souligner qu’en plus du harcèlement moral et sexuel, il faut citer le fléau du cyber harcèlement, lequel peut aussi s’exercer en milieu de travail.
Rappelons ces critères, tels que définis par la CNESST (Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité au travail) :
- Conduite vexatoire
Cette conduite est humiliante, offensante ou abusive pour la personne qui la subit. Elle blesse la personne dans son amour-propre et l’angoisse. Elle dépasse ce qu’une personne raisonnable estime correct dans le cadre de son travail.
- Caractère répétitif
Considérés isolément, une parole, un geste, un comportement peuvent sembler anodins. C’est l’accumulation ou l’ensemble de ces conduites qui peut devenir du harcèlement. Toutefois, un acte isolé grave pourrait être considéré comme étant du harcèlement.
Paroles, gestes ou comportements hostiles ou non désirés
Les paroles, les gestes ou les comportements reprochés doivent être perçus comme hostiles ou non désirés. S’ils sont à caractère sexuel, ils pourraient être reconnus comme du harcèlement même si la victime n’a pas exprimé clairement son refus.
- Atteinte à la dignité ou à l'intégrité
Le harcèlement psychologique ou sexuel a un impact négatif sur la personne. La victime peut se sentir diminuée, dévalorisée, dénigrée sur le plan tant personnel que professionnel. La santé physique de la personne harcelée peut aussi en souffrir.
- Milieu de travail rendu néfaste
Le harcèlement psychologique ou sexuel rend le milieu de travail néfaste pour celui qui en est victime. La personne harcelée peut, par exemple, être isolée de ses collègues à cause de paroles, de gestes ou de comportements hostiles à son endroit ou à son sujet.
Prévenir coûte moins cher que guérir
Même si la loi reconnait que l’employeur n’a pas une obligation de résultats (il a par contre l’obligation de moyens), la gestion des cas de violence au travail représente tout un défi pour les organisations.
D’une part, à cause des conséquences humaines catastrophiques (épuisement moral, perte de la motivation, perte de l’estime de soi, etc.). D’autre part, à cause des coûts financiers engendrés par les dossiers de harcèlement : perte de productivité, absentéisme, conflits internes, perte des talents, et même coûts judiciaires, lorsque la médiation échoue et que l’on s’achemine vers un procès. Rappelons-nous que c’est l’organisation qui fait l’objet de poursuites, et non l’individu qui a provoqué le conflit.
Libérer la parole
Les gestionnaires et leurs subordonnées auront tout intérêt à être outillés pour savoir faire face aux problématiques engendrées par des comportements inappropriés.
Aucun employé ne devrait craindre de parler. Une écoute attentive et sans jugement devrait être systématique.
Le mouvement #metoo, devenu #moiaussi au Québec, a permis ainsi de libérer la parole des victimes de harcèlement sexuel, et a provoqué un vrai questionnement sociétal.
Le journal La Presse (article du 10 novembre 2018 - Stéphanie Marin) observe que "la moitié des hommes disent avoir fait un examen de conscience en se questionnant sur leurs gestes passés, par rapport à 34 % des femmes. Les femmes (62 %) se sont plutôt demandé si elles avaient été victimes, alors que 42 % des hommes se sont posé la même question."
Même si la violence au travail est un sujet délicat, il ne devrait pas être tabou. Chaque employé devrait pouvoir se dire : "Je vis des choses anormales actuellement, c'est bien correct que j'en parle à mon gestionnaire ou à d'autres collègues". Pourtant, selon un sondage d’Angus Reid, près de 80 % des victimes ne dénoncent pas les inconduites de peur de représailles : peur de perdre leur travail, d’augmenter l’intensité du conflit, ou peur de ne pas être pris au sérieux.
On comprend mieux alors pourquoi la lutte contre la violence au travail est l’affaire de tous, dans une logique de coresponsabilité employeur/employé.
Il est important aussi de ne pas seulement se reposer sur les politiques internes en matière de harcèlement, mais de sensibiliser les employés par des formations ciblées leur permettant d’avoir l’heure juste et de savoir quoi faire en cas d’exposition à ce type de violence.