Notre société évolue de génération en génération.
Il n’y a qu’à s’attarder sur votre arbre généalogique et apprécier les mutations historiques que vos ancêtres ont connues jusqu’à vous ou votre descendance. À chaque contexte historique, politique, économique, social correspond des valeurs, des cultures, des générations profondément marquées.
Qui sont-elles ?
D’un point de vue plus sociologique, nous en sommes même venus à les nommer et caractériser. Pour ne citer que les dernières, on peut reconnaître parmi nous :
- Les générations silencieuses (nés plus ou moins entre 1925 et 1945) : sont marquées par la guerre, leurs valeurs profondes sont ancrées dans la prudence, la loyauté, la docilité et surtout le sens du devoir.
- Les baby-boomers (nés plus ou moins entre 1946 et 1965) : sont marqués par la prospérité d’après-guerre, ils valorisent l’effort, le statut social et hiérarchique, la carrière et le sentiment d’appartenance à une entreprise se rapprochant du lien familial.
- Les X (nés plus ou moins entre 1966 et 1980) : sont marqués par les crises économiques et politiques, ils ont développé beaucoup de scepticisme voire du cynisme, ils valorisent l’autonomie et l’indépendance, ils recherchent des défis et une valorisation immédiate.
- Les Y (nés plus ou moins entre 1981 et 1993) : sont marqués par les crises économiques et les échecs des générations passées, ils se sentent désabusés, privilégient leur développement personnel, le plaisir, l’équilibre entre leur vie personnelle et professionnelle, le sens et la cohérence, ils ont grandi avec l’ère numérique et se sentent à l’aise avec les changements et le multitâche.
- Les Z (nés depuis 1993) sont nés avec le numérique et sont aussi appelés la génération C : Communication, Collaboration, Connexion et Créativité.
Bien sûr, le prisme générationnel est un cadre d’analyse parmi tant d’autres afin de mieux comprendre certains comportements voire différents en famille, en société comme au travail. Les caractéristiques soulevées pour chaque génération ne sont pas universelles et il importe de prendre en considération la réalité de chaque individu et l’ensemble des caractéristiques qu’il porte au-delà de sa génération.
Pourquoi cette importance ?
Il y a 10 ans déjà on projetait pour 2015 un départ massif à la retraite, avec une accélération en 2017 jusqu’à culminer en 2021. Nous sommes en 2016 et les prédictions arrivent maintenant, plus vite que prévu. Et dans tous les domaines : privé, public, communautaire, aux niveaux national et international. C’est un défi universel et de tout temps.
En d’autres termes, on se retrouve face à une majorité de dirigeants issus des baby-boomers, avec une relève de X et parfois même de Y.
Quels sont les défis liés à la gestion de la diversité générationnelle ?
Loyauté et autorité
On peut remarquer une première difficulté pour les entreprises au niveau de la rétention de leur clientèle plus jeune et plus infidèle que les générations passées plus stables et loyales. Cette observation se retrouve également au niveau interne avec leurs propres employés.
Certains gestionnaires se plaignent d’une main d’œuvre jeune qui manque d’engagement. Mais si l’on cherche à les comprendre davantage, on se rend compte que ce sont des personnes qui vont servir leur propre itinéraire et non celui de l’entreprise. Si l’organisation va à l’encontre de leurs désirs ou de leurs valeurs personnelles, ils ne se gênent pas pour démissionner ou exprimer leur désaccord.
Cette réaction incommode beaucoup les gestionnaires, car ils ont été davantage programmés pour obéir, pour suivre la ligne du parti, et surtout on ne proteste pas face à un patron, même si l’on n’est pas d’accord.
Contrôle et pouvoir
Autre point, pour les générations précédant les Y, on confond bien souvent présence au travail et loyauté. Selon elles, un employé qui travaille fort, on le voit travailler, assis de 8h30 à 17h et il livre. Quand on lui demande quelque chose, il y répond sans trop rechigner.
Pour les plus jeunes, travailler ne correspond pas aux heures standards ni à une présence physique. La notion du temps change puisqu’on peut travailler à n’importe quelle heure de n’importe où tant que l’échéancier est respecté. D’où une recherche d’autonomie et de flexibilité tant dans les horaires, la manière que pour les lieux de travail. Le gestionnaire quant à lui risque d’y voir une perte de contrôle de la production. Il s’agit d’un défi dans l’exercice du pouvoir qui demande à être ajusté.
Comment relever le défi ?
La gestion de soi et de la performance
J'aime à rappeler une analogie fort pertinente à ce sujet, inspirée de Bob Anderson, Fondateur de The Leadership Circle aux États-Unis.
Il s’agit de comparer la conscience à un système d’exploitation. Ainsi la plupart des gestionnaires n’ont pas toujours conscience de leur propre comportement et reportent la faute sur le jeune.
Or en informatique, si le système d’exploitation n’est pas mis à jour, on éprouve des difficultés à ouvrir et faire la lecture de certains documents. Dans ce cas, il est parfois plus facile de dire qu’il s’agit d’un bogue ou que le document n’est pas bon plutôt que d’assumer que le système d’exploitation n’est pas à jour.
Appliqué au défi intergénérationnel, on peut constater que l’évolution technologique et les conflits qui en résultent se retrouvent dans les relations intergénérationnelles. Cette analogie est d’autant plus frappante avec les différentes générations en termes d’aisance numérique. Il en va de même pour l’évolution du matériel rendu si rapidement obsolète. À l’époque, une entreprise pouvait quasiment être gérée avec 1Go, aujourd’hui c’est impensable. Les besoins actuels demandent des ordinateurs ultrapuissants et en constante adaptation aux besoins et autres créations du marché.
Les défis de gestion intergénérationnelle peuvent donc se comparer au défi d’adaptation avec les nouvelles technologies. Il faut constamment mettre à jour son système au risque d’être contaminé. Et les contaminations sont justement nos croyances!
En d’autres termes : comment faire évoluer nos schémas mentaux, nos croyances? Grâce à la gestion de soi. En effet, les gestionnaires doivent être capables de prendre le meilleur de cette jeunesse, ce sont eux qui doivent s’adapter. Chaque jeune est un logiciel à déchiffrer, chaque jeune représente cette complexité. Quand l’ordinateur a la capacité d’ouvrir ce logiciel, il n’y a finalement pas trop de problèmes.
Le leadership en mutation : de la crainte vers le respect
Jusqu'à maintenant, nous avions l’habitude du modèle selon lequel ce sont les employés qui travaillent au gré de l’entreprise et de ses gestionnaires. Désormais, il émerge un autre modèle. Celui où c’est l’entreprise doit travailler en fonction de ses employés.
Les règles du jeu se sont inversées et le leadership devient un leadership de service. Le gestionnaire se tient au service de ses employés, et non le contraire. Et justement, lorsqu’on adopte cette attitude, les jeunes se révèlent extrêmement généreux et sont capables de donner plus que ce que le client demande.
Il en va de même pour la notion d’autorité devenue elle aussi obsolète. Pour les générations antérieures, l’autorité était à l’image de celle du père de famille qui était craint, avec qui on marche droit et se tient tranquille.
Aujourd’hui, l’autorité s’est transformée en respect. Alors pour avoir du succès auprès de ses jeunes employés, il faut être respecté, et non craint. La colère ne les impressionne pas. La légitimité se gagne plutôt par le calme, par le sens que le leader incarne, par la cohérence entre son discours et ses gestes. Avec une telle attitude, il inspire le respect de ses employés auxquels il peut presque tout demander, car il représente une figure d’autorité respectée, et non une autorité statutaire, qui est de plus en plus révolue. On peut également parler de défi d’acceptation pour les gestionnaires.
Soigner le milieu de vie
Avec les générations plus jeunes, il ne faut pas sous-estimer un autre facteur conditionnel à la performance. Il s’agit du milieu de vie tant physique que relationnel. L’environnement le plus propice à un meilleur engagement repose sur un milieu leur permettant de faire plusieurs choses à la fois. Par exemple, pouvoir être en contact avec son réseau en même temps qu’il travaille. Ou encore, écouter de la musique, prendre plusieurs pauses non imposées, donner la possibilité de travailler en dehors de l’espace conventionnel, faciliter le télétravail.
En d’autres termes, offrir un environnement empreint de flexibilité pour améliorer la performance.
De la même manière que le gestionnaire doit être inspirant, les autres collègues aussi ainsi que le milieu de travail. Un milieu qui ne doit justement pas se limiter au travail, mais offrir un milieu de vie.
Ce besoin peut être perçu comme une bonne nouvelle pour certains gestionnaires ou alors comme un caprice. L’accueil d’un tel renouveau dans la représentation du milieu de travail dépend alors de la capacité de chacun à ouvrir ou fermer son esprit.
Gérer la complexité
Du point de vue de notre propre vécu, on constate des signaux faibles à l’heure actuelle, mais qui sont en passe de transfigurer la façon de concevoir le travail dans le futur. Que ce soit dans les écoles de gestion comme dans les milieux de travail, le Taylorisme prédomine encore. Il s’agit d’une approche traditionnelle fondée sur une série de processus qu’on chercher à contrôler.
Ce modèle évolue dans cette ère postindustrielle. Nous ne sommes plus dans le travail à la chaîne, mais plutôt dans un modèle plus complexe, moins linéaire.
C’est pourquoi le gestionnaire doit apprendre à gérer la complexité à plusieurs niveaux.
Au niveau externe, cette complexité s’intensifie face aux concurrents, aux impératifs politiques, aux mouvements sociaux, à l’instantanéité de l’information. Et effectivement, il en résulte un véritable casse-tête, d’autant plus si l’on rajoute la complexité à l’interne, avec le défi générationnel.
C’est pourquoi il faut que les organisations gagnent en souplesse. L’environnement doit être perçu comme plus holistique, qui embrasse plusieurs thèmes en même temps. Par exemple, ne plus se limiter à des lieux précis, mais s’ouvrir avec des lieux de rassemblement, que le travail se porte en soi, même en dehors des heures de travail, que l’expérience ne se limite pas dans le temps. Le travail devient un milieu de vie qu’on ne peut pas mettre en boite.
Pour conclure, une anecdote :
Il était une fois un ascète entièrement dévoué à la méditation et qui vivait à l’écart. Il était un peu marginalisé, mais extrêmement respecté. Un jour, il a vu des personnes s’enfuir dans la même direction.Ces mêmes personnes s’écriaient en prévenant tout le monde qu’un buffle déchaîné attaquait tout ce qui se trouvait sur son passage.
L’ascète quant à lui, voulant prouver la puissance de la prière, proclamait que son pouvoir de méditation allait pouvoir arrêter le buffle. ‘’Il est fou !’’, ‘’Fais attention, tu vas te faire écraser’’, ‘’Le buffle est vraiment déchaîné’’, s’écriaient sans cesse les autres.
Effectivement, le buffle n’a pas eu pitié de lui. Dès qu’il s’est approché, le buffle lui a foncé dessus, l’a piétiné comme le craignait l’ensemble de la foule. Mal-en-point, presque à moitié mort, l’ascète était tout aussi déçu et furieux envers Dieu. ‘’Tu m’as humilié de la sorte, moi qui te prie!’’. Dieu lui répondit :’’Moi, je t’ai averti à travers toutes les personnes que tu as croisé et qui t’ont parlé. C’est toi qui as fait la sourde oreille, c’est moi qui te parlais à travers eux.’’
Comme l’ascète, il y a beaucoup d’organisations qui se comportent comme tel, à jouer celles qui savent, qui se fient à leurs expériences, qui pensent que rien ne va leur arriver, que leurs méthodes marchent. Ce n’est pas un petit guide qui va leur dire quoi faire.
Les jeunes sont pourtant le message de demain, ils dictent ce qui nous attend. Ceux qui ne les écoutent pas vont finir anéantis, comme cet ascète-là.
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